samedi 3 septembre 2011

Prière aux moineaux

P



Mon Dieu qui êtes un moineau,

Ne me donnez pas la stabilité,
On vous l’a déjà tant demandée
Qu’elle a fichu le camp, vos ailes déployées.
Laissez moi l’insécurité,
Mais laissez moi aussi la faculté
De pleurer la fêlure d'un ciel changeant,
De projeter mon cœur tremblant
Au milieu des oiseaux.



Mon Dieu qui êtes un enfant,

Ne me donnez pas la raison,
On vous l’a déjà tant demandée
Qu’elle ne pèse pas lourd à votre baluchon.
Laissez moi le doute et l’anxiété,
Mais laissez moi aussi la faculté
De mourir de douceur à la vue des flocons,
De renaître à la vie par quelques gouttes d’eau
Et courir dans le vent.



Mon Dieu qui êtes un clown,

Je ne veux pas être sage, on vous l'a trop,
Ça encore, beaucoup trop demandé
Et vous n’avez pas ça sous votre chapiteau.
Laissez moi le tourbillon de la folie,
Mais laissez moi aussi la faculté
De rire de tout et de moi-même,
La bouille enfarinée au dessus des problèmes
Avec un gros nez rouge.




Mon Dieu qui êtes un caillou,

Ne me donnez pas la richesse,
On vous l’a déjà tant demandée
Que vous êtes à sec depuis deux ou trois siècles.
Laissez moi aller nue, ou les poches percées,
Mais enfoncez vous dans mon cœur
Et laissez moi la faculté
D’apprécier la valeur
De ce bonheur un peu fou.




Mon Dieu qui êtes un mirage,

Ne me donnez pas l’amour parfait,
On vous l’a déjà tant demandé
Qu’il est devenu aussi fuyant que votre image.
Laissez moi donc l’orage,
La passion et l’incertitude,
Mais laissez moi aussi la faculté
D’Aimer, et étoilez ma solitude
De tendres visages.



Mon Dieu qui êtes un courant d’air
A défaut d’être une farce,
Quand vous passez, fugace,
Voyez, j’ai la tête à l’envers,
Je bois du vin, je fume trop,
J’ai froid, puis non, j’ai plutôt chaud,
Je suis transcendée
Par les yeux d’un hibou,
Je suis déchirée,
J’ai le cœur aigre-doux,
Je suis bienheureuse,
Ou très malheureuse,
Joyeuse, exaltée,
Calme ou apeurée…

Peu importe, ne changez rien.
Laissez moi l’enfance, le soleil et le givre,
Laissez moi surtout l’extase de Vivre,
Et tout ira bien.


Au nom des moineaux,
Des cailloux
Et des clowns aux nez rouges,

Amen… euh, Héloïse